IPP au long cours et contrôle de l'infection à H. PYLORI

Cas clinique

Vous accueillez pour la première fois en consultation un patient de 45 ans, qui vient d'emménager dans votre région. Il vous consulte pour le renouvellement de son traitement par inhibiteur de la pompe à protons. Ce dernier a été introduit depuis quatre mois pour un pyrosis quasi quotidien, typique de reflux gastro-oesophagien (RGO). Le patient est tributaire du traitement, les symptômes réapparaissant au bout de 72 heures en cas d'oubli.

PHANIE

Quelle attitude adopter vis-à-vis de sa demande ?

Dr Frédéric HeluwaertDr Frédéric Heluwaert (gastro-entérologue, CH Annecy Genevois) : Ce patient de 45 ans présente un RGO typique. Il y a 4 mois, il était licite de lui proposer d'emblée un traitement par IPP sans examen complémentaire. Désormais, il est tributaire du traitement et, comme la symptomatologie récidive à l'arrêt du traitement, le recours à une endoscopie digestive s'impose pour préciser l'existence ou non d'une oesophagite et son éventuelle sévérité. Dans cette situation, cet examen sera réalisé, au mieux, à distance d'une prise d'IPP (14 jours si possible), pour ne pas masquer d'éventuelles lésions induites par le RGO.

L'endoscopie est réalisée rapidement et révèle une oesophagite non sévère (non circonférentielle).

Dr Heluwaert : En l'absence de lésions sévères, le recours à une endoscopie de contrôle ne sera pas nécessaire. L'objectif du traitement est désormais symptomatique visant à améliorer la qualité de vie du patient, qui présente une rechute précoce à l'arrêt du traitement. Dans son cas, le recours à un traitement d'entretien par IPP à la dose minimale efficace se profile. (1)
Les situations justifiant d'un traitement prolongé par IPP (à la dose minimale efficace) dans le RGO sont (1) :

  • • Absence d'oesophagite ou oesophagite non sévère : en cas de rechutes fréquentes ou précoces à l'arrêt du traitement ;
  • • OEsophagite sévère : en prévention des récidives car récidive quasi constante des symptômes et des lésions à l'arrêt du traitement antisécrétoire.

À la lecture du compte rendu d'endoscopie, le gastro-entérologue précise que, en raison d'une mauvaise tolérance de l'examen, des biopsies gastriques n'ont pas pu être réalisées. Il vous préconise de rechercher l'éventuelle présence d'Helicobacter pylori.

Le patient vous demande si cette recherche est bien nécessaire ?

Dr Heluwaert : Les études épidémiologiques ont montré une relation inverse entre la prévalence de l'infection à H. pylori et celle du RGO ainsi que celle de l'adénocarcinome de l'oesophage. (2)
Néanmoins, chez les patients infectés par H. pylori et recevant des traitements antisécrétoires prolongés contre le reflux, la suppression de l'acidité gastrique entraîne une modification de la distribution de la gastrite, favorisant la gastrite de prédominance fundique et accélérant la perte de glandes spécialisées conduisant à l'atrophie fundique, qui est une lésion prénéoplasique. (2)
En cas de traitement prolongé par IPP, l'éradication d'H. pylori est donc désormais recommandée .(3)

CARACTÉRISTIQUES ET PLACE DES DIFFÉRENTS TESTS (2)
  Conditions de réalisation particulières Diagnostic d'une infection active Place dans le contrôle d'éradication
Histologie
Test respiratoire
urée 13C
Sans ATB (4 semaines)
Sans IPP (2 semaines)
OUI Oui, si endoscopie indispensable
test recommandé
Sérologie NON Signe uniquement
un contact préalable
AUCUNE

Quels vont être les tests disponibles pour détecter une infection à H. pylori ?

Dr Heluwaert : Trois moyens diagnostiques sont à notre disposition : l'histologie (± culture) lors d'une endoscopie, le test respiratoire et la sérologie. (2)
L'histologie et le test respiratoire à l'urée 13C détectent la présence actuelle de la bactérie. Ce sont deux tests très spécifiques, mais, pour garder leur excellente sensibilité, il est indispensable que soient respectées deux conditions essentielles : l'absence de prise d'antibiotiques depuis 1 mois et de prise d'IPP depuis 2 semaines (2) (voir Tableau).
La sérologie H. pylori (détection d'Ac anti-H. pylori) ne signe qu'un contact préalable avec la bactérie, mais ne renseigne pas sur la persistance ou non de l'infection. Le résultat est néanmoins non perturbé par la prise d'IPP ou d'antibiotiques. La sérologie n'a aucune indication dans le contrôle d'éradication (persistance plusieurs années des Ac). (2) Pour ce patient, l'attitude optimale aurait été d'effectuer la recherche d'H. pylori lors de l'endoscopie initiale, d'une part car il était sans IPP, mais aussi pour s'assurer de l'absence de lésions induites par une éventuelle infection (atrophie, métaplasie gastrique...).
Cette recherche n'ayant pas été effectuée, on peut avoir recours éventuellement à la sérologie, mais la réalisation d'un test respiratoire est à privilégier.

Suite à vos explications, le patient souhaite savoir s'il est en effet porteur de l'infection et, comme il n'a pas encore repris d'IPP, votre choix se porte sur la réalisation d'un test respiratoire à l'urée 13C.

Effets du traitement par IPP sur le diagnostic d'H. Pylori par test respiratoire à l'urée

Dr Heluwaert : Le test respiratoire à l'urée marquée détecte une infection active par H. pylori par la mise en évidence d'une activité uréasique. En présence d'H. pylori, l'ingestion d'urée marquée par un isotope non radioactif du carbone 13 est suivie du rejet dans l'air expiré de CO2 marqué, dont la quantité peut être mesurée. La sensibilité et la spécificité de ce test dépassent les 95 %. La reproductibilité du test est excellente. Ces performances diagnostiques sont excellentes pour contrôler l'éradication. (2)
Néanmoins, la sensibilité du test est diminuée par la prise d'antibiotiques et de bismuth qui réduisent la densité bactérienne et l'activité uréasique. Le test doit donc être réalisé au moins 4 semaines après l'arrêt des antibiotiques et du bismuth et au moins deux semaines après l'arrêt d'un traitement par inhibiteur de la pompe à protons. (2, 4)
L'influence d'un traitement par antisécrétoire antagoniste des récepteurs H2 à l'histamine (anti-H2) est plus controversée et un arrêt 24 à 48 heures avant le test est recommandé. Les antiacides ne modifient pas les résultats du test.

Une fois le test réalisé, le patient a pu reprendre son traitement par IPP et être soulagé de son reflux. Il vous revoit en consultation 10 jours plus tard avec un test révélant la présence d'une infection à H. pylori ?

En cas de positivité du test signant l'infection à H. pylori, quelle est la marche à suivre ?

Dr Heluwaert : Le traitement de l'infection est donc impératif.
Cette situation étant peu courante pour vous, avec des schémas de traitements complexes, vous pouvez aller sur le site www.helicobacter.fr qui met à votre disposition une fiche synthétique de prise en charge de l'infection. (5)

Après avoir expliqué et délivré l'ordonnance de traitement au patient. Il vous demande si ce traitement sera efficace ?

Dr Heluwaert : Vous lui précisez que ce traitement a environ 85-90 % de chance d'être efficace et qu'il sera indispensable de contrôler l'efficacité de votre traitement à distance. Vous lui expliquez que la bactérie, si elle est éliminée, l'est définitivement. (2,5)
Ce contrôle d'éradication est IMPÉRATIF !
Le traitement de l'infection à H. pylori ne peut se concevoir que comme un ensemble indissociable : traitement + contrôle d'éradication. Il faut savoir que l'éradication d'H. pylori si elle est obtenue est définitive chez l'adulte. Les recontaminations sont tout à fait exceptionnelles dans nos pays où la prévalence de l'infection reste faible. La prise en charge d'H. pylori doit donc être optimale puisque l'éradication définitive évitera la survenue d'un ulcère gastroduodénal et possiblement, en cas d'éradication précoce, la survenue d'une éventuelle néoplasie gastrique. (2)
Dans ce cas, le contrôle d'éradication sera au mieux réalisé par un test respiratoire et il faut se donner les moyens de le réaliser dans les conditions optimales pour qu'il soit analysable.

Deux mois après la fin du traitement d'éradication, un nouveau test respiratoire est effectué, dans des conditions optimales, après arrêt depuis 15 jours des IPP. Le patient a eu recours à des antiacides pour son reflux, mais qui ne gêneront pas l'interprétation du test.

Dr Heluwaert : Ce test est négatif. L'éradication d'Helicobacter pylori est effective et définitive !



Références bibliograhiques :
(1) HAS – commission de transparence – IPP chez l'adulte – réévaluation – janv. 2009. http://www.has-sante.fr
(2) Lamarque D et al. Révision des recommandations françaises sur la prise en charge de l'infection par Helicobacter pylori. Hépato Gastro 2012 ; 19 : 475-502.
(3) Malfertheiner P et al. Management of Helicobacter pylori infection-The Maastricht IV/ Florence Consensus Report. Gut 2012 ; 61 : 646-64.
(4) Laine L et al. Effect of proton-pump inhibitor therapy on diagnostic testing for Helicobacter pylori. Ann Intern Med 1998;129 : 547-50.
(5) Fiches de recommandations thérapeutiques pour la prise en charge de l'infection à H. pylori, GEFH, www.helicobacter.fr

LE GÉNÉRALISTE EST UN ACTEUR INCONTOURNABLE
DE LA PRISE EN CHARGE DE L'INFECTION À H. PYLORI !

Le médecin généraliste est un acteur incontournable dans la prise en charge de l'infection à H. pylori. La disponibilité de tests non invasifs (test respiratoire à l'urée 13C et sérologie) et une stratégie thérapeutique standardisée pour les deux premières lignes de traitement ont amené les médecins généralistes à avoir une place importante dans le dépistage de l'infection, notamment dans des situations qui échappent aux gastro-entérologues (prise d'IPP au long cours, traitement par AINS, antécédents familiaux de cancers gastriques ou personnel d'ulcère gastroduodénal).

Les gastro-entérologues délèguent également régulièrement le traitement de l'infection et le contrôle d'éradication aux généralistes. Néanmoins, les connaissances sur les indications, les moyens diagnostiques et les modalités thérapeutiques peuvent être parfois erronés, comme l'a montré la récente enquête de pratique menée par le Quotidien du Médecin en 2014 « Hp qui fait quoi ? ». Cette étude a par ailleurs montré que, dans de nombreuses situations, le généraliste est amené à gérer seul l'ensemble de la prise en charge (diagnostic – traitement et contrôle d'éradication).

Afin d'améliorer la connaissance des généralistes sur cette infection qu'ils rencontrent de manière peu fréquente (1 à 3 cas/mois en moyenne), une fiche élaborée par le GEFH (Groupe d'étude français des helicobacters) synthétisant l'ensemble des recommandations est disponible sur le site helicobacter.fr (5) Elle a permis une nette amélioration des connaissances des généralistes, elle est acceptée très favorablement par la quasi-totalité et connaît un fort taux d'acceptation par ceux qui l'utilisent. Cette fiche pratique facilite la prise en charge de l'infection et permet une collaboration optimale avec le gastro-entérologue, à l'aide d'un outil commun. Le patient reste l'acteur indispensable de sa santé et doit être bien informé sur la nécessité des examens et sur les conditions de la réalisation des tests. L'éradication d'H. pylori pour un adulte est habituellement définitive. Une prise en charge optimale règle définitivement les éventuelles complications, en l'absence de lésion prénéoplasique. Un bon Hp est un Hp Mort !